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L’entreprise, une idée neuve à réinventer (1ère partie)

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Time Tangents - Gilderic - cc by nc nd
Saint-Augustin dans ses Confessions (Confessions, L. XI ch. X-12 à XX-26) disait :

“Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais bien ; mais si on me le demande, et que j’entreprenne de l’expliquer, je trouve que je l’ignore”

Il m’apparait grand temps de se poser la même question, cette fois au sujet de l’entreprise. Pour tenter d’y répondre, ou tout au moins de donner des pistes et des repères, je m’appuierai largement sur le très bon essai d’Andreù Solé que vous trouverez dans le recueil Repenser l’entreprise, le cherche midi, 2008, qui a vu le jour grâce à l’Association Progrès du Management.

Qu’est-ce donc que l’entreprise ?

L’entreprise est avant tout une organisation humaine ; plus qu’une organisation elle est force organisatrice de la société.

La définition sur Wikipédia

Une entreprise est une structure économique et sociale qui regroupe des moyens humains, matériels, immatériels (service) et financiers, qui sont combinés de manière organisée pour fournir des biens ou des services à des clients dans un environnement concurrentiel (le marché) ou non concurrentiel (le monopole) avec un objectif de rentabilité

Cette définition semble à première vue discutable. L’entreprise est présentée comme une structure économique et sociale. N’est-elle pas le lieu de coordination du pouvoir et un lieu éminemment politique ? Une entreprise composée d’un seul homme cesserait-elle d’en être une ? Cette représentation repose sur une linéarité du temps, qui n’est pas commune à tous. Est-il si évident de lier le marché et l’entreprise ? L’émergence de nouvelles approches de l’entreprise avec de nouvelles métriques (le social business décrit par Yunus notamment) ne remet-elle pas en cause cette définition ?

Jetons un coup d’œil du côté de grands penseurs pour tenter de dépasser ces limites.

L’entreprise par les grands auteurs

Gwen - Thinker go round - CC BY NC SA
1. Adam Smith
L’économiste et philosophe écossais, est connu (et souvent méconnu) pour son image de la main invisible.
Il a écrit deux ouvrages majeures : La Théorie des Sentiments moraux (1759) –philosophie morale, sur les rapports sociaux et les jugements moraux– et La Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) –abrégé communément Richesse des nations, traité d’économie qui complète sa Théorie des Sentiments moraux. Ce qu’il y a de notable dans la lecture de Smith c’est l’absence du concept d’entreprise. Pour lui, il n’y a que des individus égoïstes, il n’y a pas d’entreprise, il n’y a qu’un marché qui relie des individus qui échangent. Présenter Smith comme le grand défenseur de la libre entreprise, c’est avouer ne jamais l’avoir lu ou tout au moins l’avoir mésinterpréter : il ne défend pas la libre entreprise, mais la libération des égoïsme (du self love).

2. Richard Cantillon
On pourrait penser que Adam Smith ne parle pas d’entreprise du fait de l’époque dans laquelle il vit. Cet argument est totalement mis à mal par les écrits de Richard Cantillon qui, 50 ans avant la parution de Richesse des Nations, introduit déjà la figure de l’entrepreneur. Pour lui, il existe une entreprise, piloté par son créateur, qui ne peut prévoir ni les ventes, ni le prix de vente, pas plus que la mode ou les aléas climatiques et leurs conséquences sur le comportement d’achat des clients. Remarquons que la première théorie de l’entrepreneur, bien avant Say ou Schumpeter, continent la première théorie de l’entreprise :
l’entreprise est dirigée par un entrepreneur ; elle est caractérisée par une incertitude fondamentale et irréductible.

En confrontant la vision de Smith et de Cantillon, deux grands théoriciens du XVIIIème, on est tenté d’affirmer, comme le fait Solé, que l’entreprise relève du concept plus que de la réalité. C’est parce que le concept d’entreprise est contraire à sa vision du monde que Smith ne voit pas d’entreprises autour de lui. Jean-Baptiste Say, grand admirateur de Smith, introduit quant-à-lui l’entreprise et l’entrepreneur dans sa théorie. Serait-ce parce que lui-même est entrepreneur ?

3. Karl Marx
Pour Karl Marx, l’entreprise (la “manufacture” ou la “fabrique”) est une étape de l’histoire humaine. Cette organisation est l’expression d’une extraordinaire capacité de développement des forces productives. Mais l’entreprise est, d’abord et surtout, recherche du profit. Le profit provient de l’exploitation du surtravail : les salariés ne touchent jamais l’intégralité du fruit de leur travail (travail total du salarié = travail nécessaire + surtravail ; le capitaliste confisque le surtravail, c’est ce que Marx nomme l’exploitation).
Aujourd’hui, on parle de le short-termism et de stress au travail. Le short-termism, la politique du court terme, provient du comportement des actionnaires, les propriétaires des entreprises qui se focalisent sur la métrique de rentabilité. Le profit (qui est, globalement, le numérateur du taux de rentabilité (= EBE/K, où K = Capitaux engagés)) provient du surtravail. Pour augmenter le taux de rentabilité, pour un K égal, il faut donc accroître le profit. Pour cela, d’après l’analyse de Marx, il faut accroître la plus-value qui provient du surtravail, la journée n’était pas extensible à l’infini, il faut donc accroître la productivité, d’où une augmentation de charge de travail qui influe directement sur le stress des salariés.
L’entreprise serait donc le lieu de création de richesse ; richesse que les propriétaires (les capitalistes) confisqueraient aux travailleurs : l’entreprise, un instrument de création et d’exploitation.

4. Max Weber
Weber est connu, notamment dans son dernier ouvrage, publié à titre posthume, Economie et société (1921), pour avoir associé entreprise et rationalité, puis rationalité et efficacité.

Ce lien entre entreprise-rationalité-efficacité est mis à mal par l’empirisme. Il suffit de s’introduire une fois dans une entreprise pour constater que les décisions ne sont pas toujours fondées sur la raison mais sur les émotions, qu’il existe des jeux de pouvoir entre les personnes et les services, bref qu’il existe ce qu’on appelle papelardement une culture d’entreprise.

L’entreprise ne serait pas l’organisation rationnelle par excellence.

5. Ronard H. Coase
Dans son article La nature de la firme (1937) Ronard H. Coase soulève la question suivante :
Pourquoi émergent dans l’océan de la coopération inconsciente qu’est le marché des îlots de pouvoir conscient que sont les firmes ? Autrement dit, comment se fait-il que, dans les économies modernes, il y ait des entreprises et pas seulement du marché ?
Il existe deux manières d’organiser les activités économiques aujourd’hui : d’une part le marché, d’autre part l’entreprise. Une activité est prise en charge soit par le marché, soit par l’entreprise ; ce qui signifie que toute extension du domaine d’intervention de l’entreprise provoque une réduction du périmètre du marché et inversement.
Le marche est une organisation caractérisée par l’absence de hiérarchie entre les intervenants. Comme Adam Smith, Ronald Coase appelle marché un tissu de relations d’échange entre individus, aucun d’eux n’étant en position d’en dominer d’autres. Mais alors que pour Smith il n’y a que du marché, Coase ajoute l’entreprise –une organisation caractérisée, selon lui, par l’existence d’une hiérarchie interne. L’économiste précise que cette relation est de type maître/serviteur (master/servant). Il existe une relation de subordination entre l’entrepreneur et le salarié (il est à noter que c’est précisément le terme utilisé en droit français).

L’entreprise serait ainsi définit par une relation sociale : le salariat, et bien lien d’être un élément naturel du marché, elle s’y opposerait

6. Joseph Schumpeter
L’économiste autrichien, célèbre pour son ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie (1942) définit le capitalisme comme un ouragan perpétuel de destruction créatrice. Le processus perpétuel qui sous-tend l’économie est donc le couple création-destruction, d’usines, de points de ventes, de produits, de services, de technologies (avec des réorganisations du travail et des emplois créés et supprimés. Le dirigeant d’entreprise est donc pour Schumpeter non pas un gestionnaire mais avant tout un innovateur qui n’hésite pas à prendre des risques.

L’entreprise serait éphémère et indissociable de la dynamique de l’innovation.

7. Et aujourd’hui : Jensen et Meckling
Des auteurs reconnus tels que Jensen et Meckling affirment qu’il n’existe pas d’entreprise mais un ensemble d’individus qui nouent des contrats, dans une coordination des égoïsmes. L’entreprise ne serait qu’une fiction légale, une illusion.

Mais alors l’entreprise existe-t-elle ? Est-elle un outil d’exploitation, une forme assurément rationnelle, l’incarnation de la productivité ? S’oppose-t-elle au marché ? Est-elle une structure pérenne ou éphémère, est-elle réduction de l’incertitude ou prise de risque (deux approches très différentes et il me paraitrait utile de conserver vraiment les deux dans les écoles de commerce, qui forment des gestionnaires en leur donnant des méthodes pour réduire l’incertitude, pas des entrepreneurs) ?

Les plus grands ne s’accordant pas, ce détour par les auteurs nous confirme le bienfondé de notre interrogation.

L’entreprise : une force d’organisation de la société

Shiva Bangalore -  Kalyan Kumar - CC BY SA
Introduisons la grille de lecture d’Andreù Solé que je trouve très intéressante.

Solé nous décrit un monde (comprendre la civilisation) qui couvre presque toute la planète, monde dans lequel bascule la Chine, monde que chaque jour des Africains tentent désespérément d’atteindre.
Cette notion de monde s’appuie sur l’examen de la force organisatrice, l’organisation fondamentale du monde, celle qui le caractérise et qui imprègne le plus la vie de ses habitants, leurs relations, leurs rêves, leurs peurs.

Si nous prenons l’exemple de l’Europe entre le Vème siècle (effondrement de l’empire romain) et la fin du XVème siècle, que nous désignons habituellement par Moyen-Âge, l’organisation fondamentale est bien évidement l’Eglise. L’emprise de l’Eglise sur mille ans de l’histoire européenne ne fut pas seulement spirituelle, elle fut également politique, culturelle, économique et même esthétique. Solé nomme ce monde l’Eglise-monde.

C’est naturellement d’une Entreprise-Monde qu’il parle pour désigner le monde d’aujourd’hui dans la grande majorité des pays.
Prenons pour exemple l’introduction de la propriété privée dans la constitution chinoise en mars 2004, cela afin de garantir l’existence juridique de l’entreprise (organisation qui avait été supprimée sous Mao. C’est l’entreprise qui reconfigure la Chine ; la force organisatrice de la nouvelle Chine, c’est l’entreprise.

Prêter attention à ce que nous mangeons et buvons, à ce que nous portons, à nos logements, à nos modes de transports, à nos loisirs, à la décoration, c’est se rendre compte que ce sont les entreprises qui produisent notre manière de vivre.
L’essentiel des biens et services que nous achetons pour mener le type de vie propre à notre monde est inventé, conçu, fabriqué et commercialisé par des entreprises. L’entreprise est au centre des débats, depuis la sortie d’un produit à la mode, jusqu’aux choix d’études des jeunes, en passant par débats présidentiels. Bayron a déclaré, quelques mois avant les présidentielles de 2007 :

Nous sommes un pays où l’on oublie trop souvent que l’essentiel de ce qui fait la santé, la vigueur, la richesse, l’emploi du pays, c’est l’entreprise. Et pour nous, la politique économique, la stratégie économique, c’est de faire de la France, de toute la France, un pays pro-entreprise. Parce que l’entreprise, l’esprit d’entreprise, il faut l’aider, et pour l’aider il faut l’aimer.

L’ensemble de nos vies et de nos rapports sont transformées, depuis l’école jusqu’aux retraites, depuis la production des biens de première nécessité jusqu’aux productions artistiques. L’Eglise-monde avait sa peur fondamentale, l’enfer. L’Entreprise-monde a sa peur fondamentale, c’est le chômage.

Il est important de souligner que cette conception de l’Entreprise-monde amène Solé à opposer fondamentalement, comme l’a fait Coase, l’entreprise et le marché ; l’Entreprise-monde loin de le consacrer provoquerait la disparition du marché.

Nous verrons dans une seconde partie en quoi l’Entreprise-monde a introduit une nouvelle conception du bonheur, argumenteront pour montrer que l’emprise de l’entreprise est croissante et terminerons sur un questionnement prospectif.

Ce qu’il faut retenir :

- il n’est pas facile de définir rigoureusement ce qu’est une entreprise : elle est avant tout représentation,
– le marché et l’entreprise presque toujours étroitement reliés peuvent s’appréhender comme antagonistes,
– l’Entreprise-monde a remplacé l’Eglise-monde : notre monde est organisé par et pour l’entreprise.

Retrouvez donc la seconde partie de l’article ou consultez un cours extrait du très bon roman de Volkoff, Le retournement, sur le bolchévisme.


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